Au premier semestre 2025, le marché immobilier européen a montré des signes clairs de reprise. Selon Savills, le volume total des investissements immobiliers a atteint 95 milliards d’euros. Cela reflète une reprise progressive après une période marquée par des taux d’intérêt élevés, des tensions géopolitiques et des pressions inflationnistes. Bien que les volumes restent inférieurs aux niveaux d’avant-crise, des évolutions positives se dessinent, notamment dans les secteurs de la logistique, du résidentiel et des actifs alternatifs.
Une activité en hausse au premier semestre
Par rapport à la même période en 2024, les volumes d’investissement ont augmenté de 12 %, traduisant un intérêt croissant des investisseurs pour les actifs européens. L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Espagne ont été les principaux moteurs de cette croissance. L’Allemagne a conservé sa place de premier marché, avec un volume d’environ 22 milliards d’euros, malgré la prudence persistante des investisseurs institutionnels.
En France, les transactions ont totalisé environ 14,3 milliards d’euros, principalement concentrées à Paris et en Île-de-France. Le Royaume-Uni a enregistré une croissance modérée, atteignant 13,5 milliards d’euros, avec une dynamique notable dans les secteurs logistique et résidentiel locatif.
Les segments les plus dynamiques
L’immobilier logistique continue d’attirer d’importants flux d’investissement. La demande constante pour les entrepôts et les centres de distribution, soutenue par l’e-commerce et la production industrielle, a permis à ce segment de représenter plus de 22 milliards d’euros — soit près d’un quart du marché total.
L’immobilier résidentiel, y compris le secteur locatif privé (PRS) et les logements étudiants, se classe en deuxième position avec 19 milliards d’euros investis. Cette dynamique est portée par la forte demande de logements locatifs et la pénurie d’offres dans les grandes agglomérations en expansion, comme Barcelone, Berlin ou Varsovie.
Le secteur des bureaux, malgré les défis liés aux nouveaux modes de travail hybrides, reste significatif. Les immeubles de haute qualité, certifiés ESG, continuent d’attirer les investisseurs dans les grandes villes. Londres, Amsterdam et Paris concentrent à elles seules 17 milliards d’euros de transactions de bureaux.
Les actifs alternatifs, tels que les centres de données, les établissements de santé, les résidences seniors et les auberges, ont attiré plus de 9 milliards d’euros. Ce segment continue de croître grâce à la stabilité des revenus qu’il génère et à ses baux longue durée.
Le retour prudent des investisseurs
Selon les analystes de Savills, les investisseurs internationaux — en particulier en provenance des États-Unis, du Moyen-Orient et d’Asie — reviennent progressivement sur les marchés immobiliers européens. Cependant, la tendance générale reste à la prudence. Les stratégies d’investissement actuelles privilégient les revenus stables et les actifs répondant aux critères de durabilité (ESG).
Les fonds de private equity et les fonds souverains se concentrent sur les actifs logistiques et résidentiels premium, tandis que les investisseurs institutionnels se tournent de plus en plus vers les co-investissements ou les joint-ventures pour répartir les risques.
Une correction des prix toujours en cours
Malgré l’augmentation des volumes de transactions, la correction des prix se poursuit. En moyenne, la valeur des bureaux a diminué de 5 à 7 % par rapport aux sommets atteints en 2022. Les plus fortes baisses ont été observées sur les actifs mal situés ou à faible performance énergétique.
À l’inverse, les immeubles conformes aux normes ESG résistent mieux. À Paris, par exemple, les loyers des bureaux « verts » restent stables, et les investisseurs acceptent de payer une prime pour l’efficacité énergétique.
Impact des taux et du financement
Les taux d’intérêt élevés dans la zone euro et au Royaume-Uni continuent de peser sur les transactions à effet de levier. De nombreux investisseurs privilégient les opérations en fonds propres ou recherchent des solutions de financement alternatives, comme les prêts mezzanine, les crédits relais ou les instruments structurés.
Toutefois, les perspectives d’une baisse des taux au second semestre 2025 stimulent l’optimisme. Certaines transactions se concrétisent déjà en anticipation d’un environnement de financement plus favorable, notamment dans les segments à rendement élevé.
Focus par pays
- Allemagne : Berlin et Munich concentrent les transactions sur les logements et bureaux durables.
- France : Paris et sa région se distinguent par le développement de parcs d’affaires et la rénovation de bureaux.
- Italie : regain d’intérêt pour les hôtels, notamment à Rome, Milan et dans les zones touristiques.
- Espagne : forte dynamique dans le PRS et les espaces de coworking, portée par les jeunes actifs et les nomades numériques.
- Pologne : Varsovie s’impose comme pôle régional, avec un volume croissant de transactions logistiques et tertiaires.
Perspectives pour le second semestre
Savills prévoit une poursuite de la reprise au second semestre. Les analystes estiment que les volumes annuels pourraient dépasser les 200 milliards d’euros d’ici fin 2025, à condition que les banques centrales adoptent une politique monétaire plus accommodante.
Les secteurs les plus prisés devraient inclure les actifs durables, les infrastructures numériques et les logements collectifs. Les stratégies value-add — axées sur les biens à rénover, repositionner ou certifier ESG — devraient également gagner en importance.
Avis d’expert
Anna Broder, directrice de la recherche chez Savills Europe, déclare :
« Malgré les défis macroéconomiques, les investisseurs reviennent progressivement sur le marché européen. Les actifs durables et performants énergétiquement sont de plus en plus recherchés. Nous constatons une nette préférence pour les revenus stables et les actifs à forte valeur ajoutée à long terme. »
Elle insiste également sur l’importance d’adapter les biens aux attentes des locataires, notamment en matière de flexibilité, de technologie et de respect des critères ESG.
Conclusion
Le marché immobilier européen affiche en 2025 une résilience certaine. Les 95 milliards d’euros de transactions enregistrés au premier semestre montrent que les investisseurs s’adaptent à une nouvelle réalité, marquée par la durabilité, la digitalisation et la gestion des risques. Même si les niveaux de 2021 ne sont pas encore atteints, le climat s’améliore à mesure que l’économie se stabilise et que les taux devraient baisser.
Dans les mois à venir, l’attention des investisseurs devrait se porter sur les segments en forte croissance : logistique, logement locatif, data centers et bureaux certifiés ESG. Les stratégies gagnantes seront celles qui allient vision macroéconomique et adaptation aux tendances de fond qui redéfinissent l’immobilier européen.