Le marché immobilier américain connaît un net ralentissement de son activité, ce qui alimente les inquiétudes croissantes des économistes et des professionnels du secteur quant à une possible récession imminente. Les données récentes indiquent une chute brutale des transactions, tant dans le résidentiel que dans le commercial, avec des volumes atteignant leur plus bas niveau depuis plus de dix ans. Cette contraction intervient dans un contexte d’inflation persistante, de taux d’intérêt élevés et d’un recul de la confiance des investisseurs envers la stabilité à court terme du secteur immobilier.
Contexte historique
Le marché immobilier aux États-Unis est traditionnellement considéré comme un indicateur clé de la santé économique nationale. Une activité élevée dans l’immobilier reflète généralement une confiance des consommateurs, un accès au financement favorable et un environnement macroéconomique stable. Or, en 2025, la tendance s’est inversée : les volumes de transactions ont chuté de plus de 25 % par rapport à l’année précédente.
Le segment de l’immobilier commercial est le plus touché. Selon Real Capital Analytics, le volume total des transactions dans les bureaux, les commerces et les entrepôts a diminué de 38 % au premier trimestre 2025 par rapport au premier trimestre 2024. Le secteur résidentiel multifamilial a enregistré une baisse d’environ 22 %.
Causes du ralentissement
Le principal facteur est le maintien par la Réserve fédérale (Fed) de taux d’intérêt de référence élevés, actuellement compris entre 5,25 % et 5,5 %. Les taux hypothécaires ont fortement augmenté : en mai 2025, le taux moyen d’un prêt immobilier fixe sur 30 ans s’élevait à 7,1 %, contre environ 3,5 % deux ans plus tôt. Cette hausse a considérablement réduit l’accessibilité au crédit immobilier et refroidi la demande dans tous les segments du marché.
Par ailleurs, les investissements étrangers ont reculé. Le renforcement du dollar américain et l’attractivité accrue des obligations à rendement élevé ont poussé de nombreux fonds internationaux à privilégier des actifs plus liquides que l’immobilier.
La flambée des coûts des matériaux de construction, les pénuries de main-d’œuvre et les perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement ont également entraîné le gel ou le report de nombreux projets.
Réactions du marché
Face à cette situation, les acteurs du marché ajustent leurs stratégies. Les promoteurs ralentissent ou annulent de nouveaux projets, en particulier dans les bureaux et les commerces, dont la demande future reste incertaine. Les investisseurs, quant à eux, se tournent vers des actifs perçus comme plus stables, tels que les entrepôts logistiques ou l’habitat collectif.
Des groupes majeurs comme Blackstone et Brookfield concentrent désormais leurs efforts sur la gestion de leurs portefeuilles existants plutôt que sur le lancement de nouveaux fonds. Les investisseurs institutionnels cherchent à acquérir des actifs en difficulté à prix réduit, mais les opportunités restent limitées : de nombreux propriétaires préfèrent patienter plutôt que de vendre à perte.
Perspectives des experts
D’après les analystes de CBRE, si la politique monétaire actuelle de la Fed se maintient, le redressement du marché immobilier pourrait être reporté à la mi-2026. Le secteur des bureaux est particulièrement vulnérable, en raison de l’adoption généralisée du télétravail et des modèles hybrides, qui réduisent la demande d’espaces professionnels traditionnels.
Du côté résidentiel, une légère reprise pourrait s’amorcer en fin d’année, à condition que l’inflation continue de baisser et que les taux hypothécaires se stabilisent. Néanmoins, un retour aux niveaux de transactions d’avant-pandémie semble peu probable à court terme. Les ménages restent prudents et les critères d’octroi de prêts se sont durcis.
Signes de récession
Le ralentissement du marché immobilier, à lui seul, ne suffit pas à conclure à une récession, mais combiné à d’autres indicateurs macroéconomiques, il alimente les craintes. Les dépenses de consommation diminuent, la confiance des entreprises s’érode, et la croissance du PIB devrait tomber sous la barre des 1,5 % en 2025 selon les prévisions de Goldman Sachs.
Le marché de l’emploi montre également des signes de fragilité. Le taux de chômage est remonté à 4,3 % et les nouvelles demandes d’allocations chômage ont atteint leur plus haut niveau depuis 2021. Ces éléments, ajoutés à la baisse de l’activité dans la construction et les services immobiliers, renforcent les signaux d’un ralentissement économique généralisé.
Disparités régionales
Toutes les régions des États-Unis ne sont pas touchées de la même manière. Des États comme le Texas et la Floride résistent mieux, grâce à une forte croissance démographique et à une fiscalité avantageuse. À l’inverse, des métropoles comme New York, San Francisco ou Chicago enregistrent des baisses record des transactions et de l’activité locative commerciale.
San Francisco, en particulier, continue de faire face à l’exode des entreprises technologiques et à une vacance élevée dans les bureaux. À New York, les propriétaires doivent consentir à des baisses de loyers et à de généreux incitatifs pour attirer ou retenir les locataires.
Mesures de soutien possibles
Face à l’accumulation des risques, certains experts appellent la Fed à entamer une baisse progressive de ses taux d’intérêt au second semestre 2025. Mais l’institution reste prudente et affirme que la lutte contre l’inflation reste sa priorité absolue.
Certains gouvernements locaux et étatiques ont déjà mis en place des programmes de soutien : crédits d’impôt pour les acheteurs, subventions aux promoteurs, ou procédures d’autorisation de construire simplifiées. Toutefois, sans action à l’échelle fédérale, leur effet restera limité.
Conclusion
La forte baisse des transactions immobilières aux États-Unis en 2025 dépasse le simple ralentissement cyclique. Elle reflète des mutations profondes du secteur, sous l’effet combiné de taux d’intérêt élevés, d’un accès au crédit plus restreint, de nouvelles attentes des consommateurs et d’un environnement économique mondial incertain.
Si une récession n’est pas encore officiellement déclarée, la convergence des signaux actuels impose une remise en question stratégique de la part des investisseurs, des promoteurs et des décideurs publics. Redynamiser le marché nécessitera plus qu’un assouplissement monétaire : il faudra aussi s’adapter aux nouvelles réalités de la demande, aux évolutions technologiques et aux comportements d’achat.
Dans les mois à venir, le marché immobilier américain restera un indicateur central de la trajectoire économique du pays — un baromètre crucial du climat économique et de la stabilité à venir.