Depuis quelques années, le concept de « bail emphytéotique » (ou land lease en anglais) gagne en popularité dans le monde de l’investissement immobilier. Ce modèle, dans lequel l’acheteur acquiert un bâtiment ou une habitation sans posséder le terrain sur lequel il se trouve, était autrefois considéré comme marginal. Pourtant, en 2024–2025, ce type de propriété attire de plus en plus d’investisseurs, dans un contexte de flambée des prix du foncier, de régulations plus strictes et de rareté croissante des terrains constructibles. Cet article explore les raisons du succès croissant des biens immobiliers en bail emphytéotique, leurs avantages, les risques potentiels et leur place dans les stratégies d’investissement moderne.
Qu’est-ce qu’un bien immobilier en bail emphytéotique ?
Un bien en bail emphytéotique est un bien immobilier (logement, immeuble ou bâtiment commercial) implanté sur un terrain loué à long terme, généralement pour une durée de 30 à 99 ans. Le terrain reste la propriété d’un tiers — souvent l’État, une collectivité locale, un promoteur ou un propriétaire privé — tandis que le bâtiment appartient à l’acquéreur.
Ce modèle est bien établi aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Australie et dans plusieurs pays d’Asie. En Europe, il commence à s’imposer aux Pays-Bas, en Allemagne et dans certaines régions d’Espagne, où la pression foncière est de plus en plus forte.
Pourquoi cette formule séduit de plus en plus
1. Un coût d’entrée plus abordable
L’un des principaux attraits du bail emphytéotique est la baisse du coût d’acquisition. Puisque l’investisseur ne paie pas pour le terrain, le prix global du bien est réduit de manière significative. Cela rend l’investissement immobilier plus accessible, notamment pour les primo-accédants ou les petits investisseurs.
Par exemple, aux Pays-Bas, une maison sur terrain loué peut coûter 20 à 30 % de moins qu’un bien en pleine propriété. À Melbourne, en Australie, l’écart peut atteindre 100 000 dollars australiens (environ 61 000 €) pour les biens d’entrée de gamme.
2. La rareté des terrains constructibles et la hausse des prix
Dans les grandes métropoles, où les terrains libres sont devenus rares et onéreux, le bail emphytéotique est souvent la seule option viable. De nombreuses municipalités préfèrent conserver la propriété du foncier tout en autorisant la construction sur la base de baux longue durée, ce qui leur permet de mieux planifier l’aménagement du territoire.
Des villes comme Berlin, La Haye ou Londres ont recours à ce modèle pour réguler le développement urbain, éviter la spéculation foncière et préserver les infrastructures publiques.
3. Des contrats de plus en plus clairs et flexibles
Les contrats modernes de bail emphytéotique sont souvent assortis de conditions précises, de clauses de renouvellement et de plafonds d’indexation du loyer foncier. Cela rassure les investisseurs en garantissant une certaine stabilité financière.
Dans certains pays comme l’Allemagne ou la Corée du Sud, la fiscalité sur le terrain loué est également plus avantageuse que celle sur un terrain en pleine propriété.
Où le modèle est-il déjà bien implanté ?
États-Unis : En Californie, en Floride ou à Hawaï, le land lease est courant dans les projets résidentiels et commerciaux. Par exemple, le célèbre centre commercial Ala Moana à Honolulu est construit sur un terrain loué.
Royaume-Uni : À Londres, notamment dans le centre, de nombreuses propriétés sont situées sur des terrains appartenant à des domaines royaux ou privés. Le bail emphytéotique y est une norme historique.
Chine : Toute la terre appartient à l’État, et les particuliers disposent de droits d’usage à travers des baux de 70 ans maximum.
Australie : Le modèle est utilisé dans les programmes de logements sociaux, avec des constructions sur terrain public et bâtiments cédés ou loués.
Avantages pour les investisseurs
- Moins de capital initial requis, ce qui rend l’investissement plus accessible.
- Diversification géographique, notamment dans des régions où la propriété foncière est réglementée.
- Rendement sur investissement élevé, grâce à un prix d’achat plus bas.
- Exposition moindre aux fluctuations du prix du foncier, surtout dans les marchés volatils.
Les risques à prendre en compte
Malgré ses nombreux atouts, le bail emphytéotique comporte des risques spécifiques :
- Expiration du bail : Si le bail n’est pas renouvelé, le droit d’usage du terrain (et parfois du bien) peut être perdu ou fortement restreint.
- Augmentation du loyer foncier : Certains contrats prévoient une révision périodique.
- Restrictions sur les travaux ou la revente : Des autorisations peuvent être nécessaires.
- Accès au crédit limité : Certaines banques refusent de financer un bien si la durée restante du bail est trop courte (souvent moins de 50 ans).
Le marché en plein essor
D’après Knight Frank et Savills, l’intérêt pour les biens en bail emphytéotique a progressé de 18 % en Europe et de 25 % en Asie du Sud-Est en 2024. Dans le même temps, de plus en plus de fonds d’investissement et de REITs intègrent ce type d’actifs dans leurs portefeuilles, notamment dans les secteurs résidentiel locatif et commercial.
À Amsterdam, par exemple, plus de 60 % des nouveaux projets prévus pour 2025 seront réalisés sur des terrains appartenant à la municipalité et loués à long terme.
Une solution pour l’urbanisme de demain
Dans un contexte de flambée des prix du foncier, de restrictions réglementaires croissantes et de recherche d’urbanisme durable, le bail emphytéotique apparaît comme un outil flexible et intelligent. Il permet aux villes de garder le contrôle sur l’usage des terrains, tout en rendant l’investissement immobilier plus accessible.
Ce modèle favorise également les partenariats public-privé, notamment dans la construction de logements abordables ou de projets mixtes à vocation sociale ou commerciale.
Conclusion : une stratégie gagnante à l’ère du foncier cher
Les biens immobiliers en bail emphytéotique ne sont plus une solution de repli, mais bien une alternative stratégique. Moins coûteux à l’achat, potentiellement plus rentables, et souvent plus faciles à intégrer dans des projets urbains modernes, ils séduisent de plus en plus d’investisseurs.
Avec une bonne analyse juridique et une stratégie adaptée, ce modèle pourrait bien s’imposer comme une norme dans l’immobilier de demain.