Le Brésil envisage une réforme du marché des capitaux pour résoudre la crise des prêts hypothécaires

by Victoria Garcia
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Brazil Seeks Capital Market Fix for Mortgage Crisis

BRÉSIL, 2025 — Le gouvernement brésilien et les principaux acteurs du secteur financier s’inquiètent de plus en plus de la pression croissante sur le marché du crédit immobilier. Face à des taux d’intérêt élevés, à la réduction des programmes de prêts subventionnés et à l’accès limité au capital à long terme, les autorités envisagent une réforme du marché des capitaux comme solution stratégique pour relancer le financement immobilier.

Au cœur de cette réflexion : le développement de mécanismes de titrisation, l’attraction d’investissements privés et l’amélioration de l’attrait des titres adossés à des prêts hypothécaires pour les investisseurs institutionnels. L’objectif est de compenser le manque de financement public tout en créant un système de crédit immobilier plus durable, accessible à des millions de Brésiliens.

Situation actuelle du marché hypothécaire

Selon la Banque centrale du Brésil, le volume des nouveaux crédits hypothécaires a chuté de 18 % au premier trimestre 2025 par rapport à la même période de l’année précédente. Cette baisse s’explique principalement par le maintien du taux directeur Selic au-dessus de 10 % tout au long de 2024. Bien que les taux aient commencé à diminuer début 2025, ils restent à un niveau qui freine fortement l’accès au crédit.

Historiquement, une grande partie du crédit immobilier brésilien dépendait de la banque publique Caixa Econômica Federal, qui offrait des prêts subventionnés via les programmes Minha Casa Minha Vida et Casa Verde e Amarela. Mais en raison de contraintes budgétaires et de la pression inflationniste, le gouvernement a dû réduire ces subventions, laissant de nombreuses familles sans financement accessible.

Une orientation vers les marchés financiers

Dans ce contexte, le ministère des Finances, la Banque centrale et la Commission des valeurs mobilières (CVM) élaborent ensemble des mesures pour renforcer le rôle du capital privé dans le secteur hypothécaire. Les principales initiatives en cours de discussion incluent :

  • L’expansion de la titrisation — promotion de l’émission de titres adossés à des créances hypothécaires (CRI – Certificados de Recebíveis Imobiliários) pour attirer les investisseurs institutionnels ;
  • L’uniformisation et la transparence — adoption de formats standardisés pour les titres hypothécaires et amélioration de la communication sur les risques ;
  • Les incitations fiscales — avantages pour les fonds et particuliers investissant dans des produits titrisés ;
  • La création d’un marché secondaire — développement d’une plateforme de négociation pour les titres hypothécaires, inspirée des modèles américains comme Fannie Mae et Freddie Mac.

Le ministre des Finances Fernando Haddad a déclaré :

« Nous devons réorganiser l’architecture financière pour mobiliser des capitaux à long terme sans alourdir les finances publiques. »

Le rôle des investisseurs institutionnels

L’objectif principal est de mobiliser les caisses de retraite, les compagnies d’assurance et les gestionnaires d’actifs, qui disposent d’importantes ressources et recherchent des rendements stables sur le long terme. Cependant, ces acteurs demeurent prudents, invoquant la faible liquidité des titres hypothécaires, un manque de transparence et une protection insuffisante des investisseurs.

Pour répondre à ces préoccupations, la CVM prépare une nouvelle réglementation afin de renforcer la confiance des investisseurs :

  • exigences accrues en matière de divulgation des risques ;
  • standardisation des notations des actifs hypothécaires ;
  • création d’administrateurs indépendants pour gérer les portefeuilles de créances.

Le gouvernement envisage également de mettre en place un fonds public de garantie hypothécaire, à l’image de ceux existant au Canada ou en Allemagne.

Un potentiel de croissance pour les titres hypothécaires

D’après l’association ANBIMA (Association brésilienne des marchés financiers et de capitaux), le volume des CRI en circulation atteignait 240 milliards de réais en 2024 (environ 44 milliards d’euros), soit moins de 10 % du portefeuille hypothécaire total du pays. À titre de comparaison, plus de 60 % des crédits hypothécaires sont titrisés aux États-Unis.

Les experts estiment qu’avec des réformes bien mises en œuvre, le marché des titres hypothécaires au Brésil pourrait dépasser 600 milliards de réais (environ 110 milliards d’euros) d’ici 2030, contribuant à une diversification accrue du financement immobilier.

Réactions du marché

Les banques et les promoteurs accueillent les réformes avec un optimisme prudent. Selon des représentants de Banco Bradesco et Itaú Unibanco, un marché secondaire bien structuré permettrait aux banques de « répartir les risques et d’augmenter les volumes de prêts sans alourdir leur bilan ».

Des promoteurs comme MRV Engenharia et Cyrela espèrent que les réformes accéléreront l’approbation de nouveaux projets et relanceront la demande de logements. Ils soulignent toutefois la nécessité d’améliorer en parallèle la planification urbaine et l’accès au foncier, surtout dans les grandes villes.

Les associations de consommateurs demandent, quant à elles, que la libéralisation du crédit soit accompagnée de mesures de protection contre le surendettement, en particulier pour les ménages vulnérables. Elles préconisent le maintien d’un contrôle public sur les taux d’intérêt et la mise en place de filets de sécurité.

Enjeux politiques et économiques

Ce projet de réforme touche des intérêts multiples et nécessite un consensus politique large. Certains parlementaires craignent que le recours accru à la titrisation privée n’engendre des risques similaires à ceux ayant conduit à la crise des subprimes de 2008.

La Banque centrale assure que le modèle brésilien s’inspirera des meilleures pratiques internationales et sera mis en œuvre progressivement sous un strict encadrement réglementaire.

Par ailleurs, le gouvernement envisage de solliciter l’appui technique et financier d’institutions multilatérales telles que la Banque mondiale ou la CAF pour développer l’infrastructure du marché secondaire hypothécaire.

Perspectives et risques

Les analystes soutiennent globalement la réforme mais soulignent plusieurs risques :

  • La volatilité des taux d’intérêt, qui pourrait affecter la rentabilité des actifs titrisés ;
  • Le manque d’intérêt des investisseurs, en raison d’une faible culture financière sur le sujet ;
  • La complexité réglementaire, qui nécessite une meilleure coordination interinstitutionnelle.

Toutefois, selon les économistes de la Fundação Getulio Vargas, avec un cadre clair, transparent et un rôle actif de l’État comme garant, cette réforme pourrait représenter un tournant majeur pour le financement immobilier au Brésil.

Conclusion

Dans un contexte de contraintes budgétaires et de forte demande de logements, le Brésil mise sur les marchés de capitaux pour relancer le crédit immobilier. Si les réformes sont bien exécutées, elles pourraient offrir une alternative pérenne aux subventions publiques, tout en favorisant la croissance du secteur de la construction et la stabilité des marchés financiers.

Le succès de cette stratégie dépendra de la rapidité et de la qualité de sa mise en œuvre. Il s’agit d’un moment décisif qui pourrait ouvrir une nouvelle ère pour l’immobilier au Brésil – ou, en cas d’échec, aggraver les déséquilibres du système actuel.

 

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