NEOM fait face à des préoccupations environnementales sur fond de retards du projet

by Victoria Garcia
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NEOM Faces Delays and Environmental Criticism

Le projet ambitieux NEOM, imaginé comme une mégapole futuriste sur la côte de la mer Rouge, se heurte en 2025 à des préoccupations environnementales croissantes et à des retards significatifs dans son exécution. Présenté comme le fleuron de la stratégie Vision 2030 de l’Arabie saoudite, NEOM devait incarner le développement durable, l’innovation technologique et la ville du futur. Mais de plus en plus d’experts, d’écologistes et d’investisseurs dénoncent un écart alarmant entre les promesses initiales et la réalité sur le terrain.

Envergure et coût du projet

Le gouvernement saoudien avait initialement prévu un investissement de 500 milliards de dollars américains (soit environ 460 milliards d’euros) dans NEOM. Le projet se compose de plusieurs zones : la ville linéaire THE LINE, le centre industriel Oxagon, la station touristique de montagne Trojena, et le complexe côtier de luxe Sindalah.

La promesse centrale du projet est de créer un territoire zéro carbone, alimenté 100 % en énergies renouvelables, avec un impact environnemental minimal. Or, ces objectifs sont aujourd’hui de plus en plus contestés, tant du point de vue écologique que technique.

Enjeux environnementaux

L’un des éléments les plus controversés est THE LINE, une ville linéaire de 170 kilomètres de long, 200 mètres de large et 500 mètres de haut, qui accueillerait jusqu’à 9 millions d’habitants. Les déplacements y seraient assurés par un système de transport public ultra-rapide, sans voitures ni routes, et les bâtiments seraient alimentés par des sources d’énergie renouvelables.

Mais les spécialistes de l’environnement soulignent de nombreux problèmes :

  • Perturbation majeure des écosystèmes désertiques et côtiers, qui abritent des espèces rares comme la gazelle d’Arabie, les récifs coralliens de la mer Rouge ou les mangroves.
  • Destruction d’écosystèmes alpins dans la région de Trojena, où est prévue une station de ski et un barrage.
  • Utilisation massive de béton, d’acier et de verre, à forte empreinte carbone, en contradiction avec les engagements climatiques du projet.
  • Absence de transparence sur les études d’impact environnemental (EIE), pourtant essentielles pour un projet d’une telle envergure.

Selon certaines estimations, la seule construction de THE LINE nécessiterait plus de 2 millions de tonnes de béton et 1,5 million de tonnes d’acier, générant potentiellement plus de 10 millions de tonnes de CO₂, à moins d’utiliser des matériaux à très faible émission ou compensés.

Retards dans le calendrier

NEOM devait initialement accueillir ses premiers habitants dès 2024. En 2025, seules des infrastructures préparatoires ont été mises en place, et les principaux chantiers sont encore à l’arrêt.

Les avancées actuelles :

  • Moins de 2 km de fondations ont été réalisés pour THE LINE, sans construction verticale à ce jour.
  • Oxagon n’a vu que l’installation de structures temporaires et de zones logistiques.
  • Trojena est toujours à l’étape de conception.
  • Le complexe touristique Sindalah, initialement prévu pour 2024, est reporté à mi-2026.

L’investissement cumulé s’élève à environ 60 milliards d’euros, dont une grande partie a été consacrée à des études, à la communication internationale et à des salons, mais pas encore au bâti réel.

Défis logistiques et infrastructures manquantes

NEOM se situe dans une région isolée de la province de Tabuk, dépourvue d’infrastructures modernes. L’acheminement des matériaux et des équipements pose des défis majeurs.

Exemples de coûts d’infrastructure :

  • Construction d’un port en eau profonde et terminal logistique à Oxagon : 1,2 milliard d’euros
  • Usines de dessalement et centrales à énergie renouvelable : entre 4 et 6 milliards d’euros
  • Ligne ferroviaire à grande vitesse longeant THE LINE : plus de 15 milliards d’euros

Les tempêtes de sable, la chaleur extrême et le stress hydrique régional compliquent encore davantage les travaux.

Déplacements forcés et préoccupations éthiques

NEOM est également critiqué pour le déplacement de populations locales, notamment des communautés bédouines présentes dans la région depuis des siècles. Plusieurs ONG dénoncent des expropriations sans compensation équitable, ni recours légal. Cette situation crée un climat de méfiance et nuit à l’image du projet à l’international.

Révision des ambitions

Face aux critiques, les responsables du projet ont commencé à réviser les objectifs initiaux. En avril 2025, les autorités ont annoncé que la population de THE LINE serait probablement de 1,5 million d’habitants d’ici 2030, au lieu des 9 millions annoncés précédemment.

On envisage désormais de construire THE LINE par segments de 10 à 20 km, avec des bâtiments moins hauts et des standards techniques simplifiés.

Cette nouvelle approche permettrait de réduire l’impact environnemental et de faciliter la mise en œuvre du projet. Mais elle suscite aussi des inquiétudes chez les investisseurs, qui avaient engagé des capitaux sur la base d’un projet à l’échelle exceptionnelle.

Rôle des partenaires internationaux

Malgré les difficultés, NEOM continue d’attirer des entreprises internationales. Parmi les partenaires clés :

  • Bechtel (États-Unis) – maîtrise d’ouvrage et ingénierie
  • AECOM et LAVA (Allemagne) – architecture et planification
  • ENOWA – filiale de NEOM pour l’énergie et l’eau

Cependant, certains consultants en développement durable en Europe ont suspendu leur participation, invoquant l’écart entre les promesses et les pratiques réelles du projet.

Conclusion

Pensé comme le modèle de la ville de demain, NEOM se confronte à une réalité complexe : préoccupations écologiques, retards de livraison, pression logistique et enjeux sociaux. Bien que l’idée de construire une cité innovante reste séduisante, sa concrétisation demande plus de réalisme, de transparence et d’éthique.

Aux rythmes actuels, les objectifs fixés pour 2030 sont peu réalistes. Sans audit environnemental crédible et sans inclusion des populations concernées, le projet risque de perdre la confiance des investisseurs et de ternir sa réputation.

Un redimensionnement intelligent et progressif pourrait néanmoins sauver l’ambition globale. À condition que les autorités saoudiennes acceptent d’adapter leur vision à des exigences écologiques, sociales et économiques concrètes, NEOM pourrait encore devenir une vitrine du développement responsable – plutôt qu’un projet emblématique d’une ambition démesurée.

 

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